Le dragon au moyen-âge : une créature fantastique et symbolique
Partons à la recherche des ancêtres de Smaug chez les dragons du moyen-âge!
Est-ce que vous vous êtes déjà demandé d'où vient le dragon moderne que l'on retrouve dans tant de films et de livres? Le dragon n'est pas simplement le fruit de l'imagination fertile des auteurs et scénaristes de fantasy, c'est le résultat d'un long processus de maturation culturelle aux origines multiples!
Pour comprendre le dragon moderne, il est nécessaire de remonter le temps. Je vous propose de découvrir les origines de nos dragons préférés (Smaug, Viserion...) en explorant leur histoire : depuis les serpents de la Mésopotamie antique jusqu'à Saint-Georges et Saint-Michel, les plus célèbres des saints chrétiens tueurs de dragons .
Cet article présente de manière simple et légère les ramifications de la figure du dragon dans le moyen âge occidental / européen. (Sa signification et son imaginaire sont différents du dragon chinois / oriental, mais ce sera peut-être le sujet d'un prochain article...)
Et si vous voulez arborer fièrement un dragon, découvrez notre tee shirt brodé.
Les origines du dragon au moyen-âge : un monstre peut en cacher un autre...
Quand est apparu le dragon? Des racines mésopotamiennes
Les plus anciennes créatures fantastiques comparables à des dragons se trouvent dans la mythologie mésopotamienne.
Dès le IIIème millénaire avant jésus christ on trouve des références à plusieurs créatures hybrides entre le lion, le serpent et l'oiseau, notamment le mušhuššu, qui présentent quelques similitudes avec le futur concept de dragon. Mais on est encore loin des créatures de Game of Thrones...
Le dragon dans les mythologies antiques : des trésors et un souffle enflammé!
Dans les mythes et légendes de l'antiquité on trouve des créatures qui présentent les caractéristiques de nos dragons modernes. Les dragons grecques et romains peuvent déjà être gardiens de précieux trésors ou bien monstres cracheurs de feu.
Dans la Grèce antique : La mythologie grecque est riche en monstres, et notamment en dragons! Ils sont parfois gardiens de trésors ou de précieuses reliques. Par exemple, Ladon est le dragon qui garde le jardin des Hespérides et ses précieuses pommes. Lorsque Jason veut s'emparer la toison d'or, il doit également affronter un dragon. Enfin, Hercule dans ses douze travaux combat l'hydre de Lerne (qui a certes plusieurs têtes mais qui ressemble quand même à un dragon!)
Chez les romains : Les dragons de l'empire romain sont un croisement entre la mythologie grecque et l'influence des cultures orientales. On trouve quelques dragons dans la mythologie romaine et on les retrouve également sous la plume des auteurs romains. Le plus notable est Pline l'Ancien dans son Histoire Naturelle. Il y décrit les dragons comme des créatures à l'existence réelle mais lointaine et exotique.
Dans la bible : Les dragons apparaissent de manière plus ou moins directe dans la Bible. On peut citer notamment, le Léviathan un immense monstre marin (pas tout à fait un dragon tout de même), le Serpent du Jardin d'Éden (bien qu'il ne soit pas explicitement décrit comme un dragon cela reste un méchant serpent) et le dragon de l'Apocalypse.
Les descriptions de dragon au moyen-âge : un animal exotique
Les dragons sont omniprésents au Moyen-âge : vitraux des cathédrales, enluminures des manuscrits, sculptures... toutes les occasions sont bonnes pour dessiner ces bestioles pleines de griffes et de dents. Le christianisme a fait du dragon un symbole du mal et la représentation du triomphe des forces du bien sur le dragon satanique est donc un motif récurrent!
Grâce à cette diversité de sources et de représentations, l'iconographie médiévale offre beaucoup d'informations pour comprendre l'évolution du dragon! C'est pendant le moyen-âge et sous le l'influence du christianisme que le dragon passe du statut d'animal rare et exotique à celui de créature maléfique.
Dans les récits et bestiaires du moyen-âge, le dragon est avant tout une bête impressionnante par sa taille mais il devient progressivement une figure diabolique.
Les dessins et représentations de dragon dans les bestiaires médiévaux
Les bestiaires du moyen âge sont des recueils illustrés décrivant les animaux. Cependant comme les auteurs et les copistes prenaient quelques libertés artistiques avec la véracité des informations et la fiabilité des sources, on y trouve des descriptions et des dessins de nombreuses créatures fantastiques, et notamment des illustrations de dragon.
Le moyen-âge est une période de plusieurs siècles, l'Europe est un vaste continent et les livres sont des biens très précieux : il n'y a donc pas une figure unique et figée du dragon à l'époque médiévale mais des tendances.
Voici un exemple de description d'un dragon dans un bestiaire du moyen-âge extrait du Livre du Trésor, une encyclopédie rédigée entre 1260 et 1266 par le florentin Brunetto Latini : « Le dragon est le plus grand de tous les serpents et l’une des plus grandes bêtes du monde ; il habite en Inde et en Éthiopie où il fait toujours très chaud. Quand il sort de sa caverne, il vole si rapidement et avec une si grande vitesse qu’à son passage l’air jette un éclat comparable à celui d’un feu ardent. Le dragon a une crête et une petite bouche qui reste ouverte, par où il respire et il tire sa langue. Sa force ne réside pas dans sa bouche, mais dans sa queue qui fait plus de mal par les coups qu’elle donne que par les blessures qu’elle inflige. Il possède une si grande force qu’aucun être, bien qu’il soit grand ou fort, ne peut s’en échapper sans mourir, si le dragon l’étrangle de sa queue. Même l’éléphant en vient à mourir, d’autant plus qu’il y a une haine mortelle entre eux, ainsi que le maître le dira par la suite au sujet de l’éléphant » .
Malgré des divergences entre les récits, on voit émerger dans les illustrations le dragon comme une créature hybride combinant les caractéristiques de plusieurs animaux, en particulier les serpents, les lions, les lézards et les chauves-souris.
Le dragon dans les récits de voyage : hallucinations collectives?
L'autre source littéraire qui décrit les dragons et les monstres fantastiques comme des créatures réelles sont les récits de voyage. Il s'agit de textes très populaires au Moyen-Age qui sont rédigés par des voyageurs réels ou fictifs. Il peut s'agir de récits de pèlerinage, de voyages marchands ou d'exploration.
Les récits de voyage contribuent à ancrer la figure du dragon et des créatures fantastiques dans la réalité et à renforcer la croyance en leur existence. Ces créatures sont localisées dans des régions lointaines et inexplorées, renforçant l'idée de créatures réelle, mais extrêmement rare, situées aux confins du monde connu.
Les dragons décrits ne sont pas exactement ceux de nos représentations modernes. Par exemple Marco Polo, dans Le Livre des Merveilles (XIIIème siècle) évoque des créatures gigantesques vivant dans les montagnes : "Il y a dans cette province des couleuvres et de gros serpents si effrayants et tellement immenses qu’ils terrifient quiconque les approche et devraient impressionner même ceux qui en entendent parler. Je vais vous raconter leur taille et leur grosseur. Ils ont généralement bien dix pas de long, certains plus, certains moins, et sont larges comme un gros tonneau de six paumes ; ils ont près de la tête deux pattes sans pied, mais avec une griffe comme la serre d’un faucon ou la patte d’un lion. Leur tête est immense, leurs yeux sont démesurés, et leur gueule est si vaste qu’ils pourraient bien engloutir un homme tout entier. Il n’y a homme ni bête qui ne les craigne ni ne les redoute, tant ils sont effrayants, laids et féroces".
Le texte de Marco Polo ne parle pas explicitement de dragons mais le travail d'illustration fait le reste...
Les grands récits : quels étaient les dragons célèbres à l'époque médiévale ?
Les légendes et la littérature médiévale contiennent plusieurs récits fondateurs de chevaliers tueurs de dragons. On retrouve des dragons dans de nombreuses cultures européennes : légendes celtes, mythologie germanique, contes slaves... Selon les cultures, plusieurs facettes du dragon moderne ressortent de ces récits.
Dragon chrétien : Saint-Georges et de Saint-Michel
Avec la montée en puissance du christianisme, le dragon devient progressivement l'incarnation du mal, associé aux forces païennes et aux démons. C'est au XIIe siècle, avec la Légende dorée de Jacques de Voragine, que le récit de Saint Georges et du dragon prend forme et se diffuse largement en Europe.
Dans cette version, Saint Georges arrive dans une ville terrorisée par un dragon qui exige un sacrifice humain. Saint-Georges affronte la bête et la tue, libérant ainsi la population de son joug. Ce récit a rapidement gagné en popularité, s'enrichissant au fil des siècles de nouvelles variantes et de nouvelles interprétations.
Saint Georges n'est pas le premier des tueurs de dragons puisque dans la bible, l'archange saint-michel terrasse également un dragon dans le livre de l'Apocalypse.
Saint Georges terrassant le dragon. Manuscrit du 13ème s.
Dragon anglo-saxon : Beowulf
Beowulf est un poème épique anglo-saxon datant de la fin du 1er millénaire. Il raconte les aventures et les combats d'un guerrier qui se distingue par sa force et son courage en affrontant trois monstres terrifiants.
Le premier monstre est Grendel, un descendant de Cain, puis la mère de Gendel (qui n'a pas de nom), une créature aquatique. Le troisième adversaire de Beowulf est un dragon cracheur de feu et le gardien d'un trésor, la victoire de Beowulf est amère, car elle est payée du prix de sa propre vie.
Pour Tolkien, le dragon de Beowulf forme avec Fafnir les deux dragons originaux des légendes nordiques et germaniques.
Le dragon de Beowulf et son trésor (illustration Skelton, 1908)
Dragon nordique : l'Edda
L'Edda est un recueil de textes mythologiques et poétiques islandais datant du 13ème siècle. Il s'agit d'une des principales sources de notre connaissance de la mythologie nordique.
Au cœur de cette mythologie se trouve Fáfnir, une figure complexe et fascinante. Initialement un nain, Fáfnir se transforme en dragon pour protéger un trésor maudit. Cette métamorphose radicale est déclenchée par l'avarice, un thème récurrent dans la mythologie nordique et germanique. Regin, le frère de Fáfnir, manipule le jeune héros Sigurd pour tuer le dragon et récupérer le trésor.
Fafnir (illustration de Rackham au 19ème s.)
Si vous aimez les récits avec des dragons, vous pouvez découvrir nos recommandations de livres fantasy avec des dragons
La symbolique occidentale du dragon : quel est le rôle du dragon au moyen-âge ?
Comme on commence à le comprendre à la lecture des récits de voyages et des légendes, le dragon au moyen-âge est porteur de significations symboliques variées voire contradictoires.
Symbole du mal et du chaos
Avec la montée en puissance du christianisme, le dragon devient le symbole du mal et de l'hérésie pour les hommes du moyen âge. Il est représenté comme un monstre diabolique, au service de Satan. Il incarne l'opposition au bien et à l'ordre divin, et est représenté comme l'ennemi de Dieu et des saints.
Symbole des éléments naturels
Le dragon est lié aux éléments naturels, notamment le feu, l'eau et la terre. Il est ainsi perçu comme une force de la nature, à la fois créatrice et destructrice. Les dragons sont associés aux catastrophes naturelles : tremblements de terre, inondations et tempêtes. Ils incarnent la puissance des forces naturelles et la vulnérabilité de l'homme face à elles.
Symbole de pouvoir
Alors qu'il est le symbole du mal, le dragon au moyen-âge peut pourtant également être un symbole de pouvoir et de royauté, en particulier dans les cultures celtiques ou germaniques
Chez les gallois, certains rois sont décrits comme des descendants de dragons, héritant ainsi de leur force et de leur sagesse. De nombreux blasons de familles nobles britanniques, d'origine celtique, arborent des dragons. C'est également le cas de familles allemandes, notamment celles ayant des origines germaniques, qui ont adopté le dragon comme emblème.